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Les schwannomatoses

CERENEF

Les scwhannomatoses : NF2, SMARCB1, LZTR1 et les autres constituent des syndromes génétiques de prédisposition à développer des schwannomes multiples, mais également des méningiomes et des épendymomes, essentiellement dans le cadre de la Schwannomatose liée au gène NF2 (1). Ce sont des maladies rares, dont la prévalence varie considérablement en fonction de la mutation génétique causale. Les données épidémiologiques les plus récentes font état d’une prévalence de 1 pour 61 332 personnes pour la schwannomatose NF2, 1 pour 527 000 personnes pour la schwannomatose liée à LZTR1 et une personne pour 1.1 million pour la schwannomatose liée à SMARCB1 (2).

Contrairement aux patients porteurs de Neurofibromatose de type 1, les patients porteurs de schwannomatoses ont souvent un délai de plusieurs années entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic. Ce retard est expliqué par le fait que les formes familiales, dans lesquelles au moins un des deux parents est atteint, sont beaucoup plus rares (23% des cas de Schwannomatose NF2, 15% des cas de Schwannomatoses non liées au gène NF2) que les formes sporadiques, dans lesquelles aucun des deux parents n’est atteint.  Il s’explique également par l’existence et la fréquence de formes mosaïques (50% des cas sporadiques) dans lesquelles le phénotype est moins sévère et plus variable (3). Au sein même de chacune des deux formes cliniques (familiale ou sporadique), il existe un sous–groupe de patients présentant des schwannomatoses dites segmentaires dans lesquelles un seul membre est atteint.

Les schwannomatoses sont liées à des mutations germinales exclusives l’une de l’autre de trois gènes suppresseurs de tumeurs, NF2, SMARCB1 (4) et LZTR1 (5), tous situés sur le chromosome 22. La schwannomatose NF2 est comme son nom l’indique exclusivement liée au gène NF2. Parmi les schwannomatoses non liées au gène NF2, les mutations de SMARCB1 sont présentes dans 40 à 45 % des formes familiales et 8 à 10% des formes sporadiques. Quant aux mutations de LZTR1, elles sont présentes dans 30 à 35 % des formes familiales et 25 à 30% des formes sporadiques. Une grande partie des schwannomatoses familiales et sporadiques non liées au gène NF2 n’ont donc à l’heure actuelle pas de cause génétique retrouvée (6).

Dans la schwannomatose NF2, la perte bi-allélique du gène NF2 est nécessaire et suffisante pour amorcer la formation de l’ensemble des tumeurs. Dans les schwannomatoses non liées au gène NF2, la formation de chaque schwannome est plus complexe et résulte d’un mécanisme de tumorigenèse à 3 temps : le premier est la mutation germinale du gène suppresseur de tumeur (SMARCB1 ou LZTR1), suivie d’une inactivation somatique du second allèle du chromosome 22 par perte d’hétérozygotie (Loss of heterozygosity, LOH), puis survient une mutation somatique du gène NF2, entraînant ainsi une inactivation bi-allélique du gène NF2 et de l’autre gène de la schwannomatose.

Les patients porteurs de schwannomatoses sont classiquement diagnostiqués en moyenne entre 18 et 24 ans pour la Schwannomatose NF2 et plus tardivement, entre 20 et 40 ans, pour les Schwannomatoses non liées au gène NF2. La schwannomatose NF2 est le plus souvent révélée par une hypoacousie de perception, ou une baisse de vision dans les cas révélés dans l’enfance (< 16 ans) (7). Les patients sont porteurs de schwannomes vestibulaires bilatéraux, de méningiomes intra-crâniens dans 50% des cas, d’épendymomes intra-médullaires, de tumeurs rachidiennes (méningiomes et schwannomes) et enfin de schwannomes périphériques. En dehors des tumeurs, les patients peuvent présenter des neuropathies axonales de type pseudo-Charcot-Marie-Tooth à l’origine d’importants déficits moteurs (8).  

Dans les schwannomatoses non liées au gène NF2, les principaux symptômes au diagnostic sont la douleur (46%), la palpation d’une masse (27%) ou les deux (11%). Les déficits sensitivo-moteurs sont rarement présents à la prise en charge initiale. Les patients présentent essentiellement des schwannomes des nerfs périphériques (89%) et des schwannomes rachidiens (74%). Les schwannomes des nerfs crâniens sont rares (8%) : un schwannome vestibulaire unilatéral peut notamment être retrouvé chez 15% des patients porteurs d’une schwannomatose LZTR1, et des schwannomes du trijumeau dans les autres cas. Les schwannomes vestibulaires unilatéraux, bien que rares, peuvent être observés chez les patients porteurs de schwannomatoses. Les méningiomes intracrâniens sont également rares (5%), présents uniquement dans les schwannomatoses liées à SMARCB1 et prédominent à la faux (9).

Le bilan d’imagerie initial comporte ainsi une IRM cérébrale avec des coupes fines centrées sur les conduits auditifs internes, une IRM pan-médullaire et une ou plusieurs IRMs centrées sur les régions douloureuses fonction de chaque patient. Si elle est possible, une imagerie corps entier (IRM ou PET-IRM) (10) est recommandée lors du bilan initial de la maladie. Le suivi IRM est ensuite annuel ou bisannuel en fonction de la charge tumorale. Les schwannomes des patients porteurs de schwannomatoses ont le même aspect radiologique que les schwannomes sporadiques, à l’exception des formes multi-nodulaires, résultat de la fusion de multiples schwannomes contigus sur un même nerf périphérique, qui existent notamment dans les schwannomes vestibulaires (11). La réalisation de neurographies IRM à haute résolution peut également mettre en évidence de multiples microlésions intra-fasciculaires le long des nerfs périphériques (12). Ces micro-lésions sont également retrouvées dans l’ensemble des membres des patients atteints de schwannomatoses segmentaires, dans lesquelles les schwannomes macroscopiques et les douleurs sont limités à un seul membre. Il n’existe donc pas de lien certain entre ces micro-lésions nerveuses et les douleurs des patients. Les bilans électrophysiologiques sont par ailleurs classiquement normaux chez les patients porteurs de schwannomatoses (13).

La prise en charge des patients porteurs de schwannomatoses est réalisée en centre « maladies rares » qui associe une prise en charge clinique au diagnostic et au conseil génétiques. Sur le versant clinique, la prise en charge des patients porteurs de schwannomatoses est centrée sur la préservation des fonctions neurosensorielles dans la Schwannomatose NF2 et le traitement des douleurs chroniques dans les schwannomatoses non liée à NF2. Contrairement à la Neurofibromatose de type 1, la transformation maligne est rarissime dans les schwannomatoses, liée à des traitements par irradiation (14) et la prévention et/ou le traitement d’un éventuel cancer n’est donc pas un enjeu de la prise en charge.

Dans la Schwannomatose NF2, la préservation de l’audition est un axe essentiel du traitement et va reposer sur la combinaison de la chirurgie (exérèse de schwannome vestibulaire, élargissement du conduit auditif interne), la radiochirurgie et la chimiothérapie (Avastin, Everolimus, Brigatinib) (15–17) Lorsque l’audition est altérée, l’enjeu va être de restaurer l’audition (implants cochléaires, implants du tronc cérébral). En dehors de l’audition, d’autres fonctions neurologiques peuvent être altérées (motricité, sensibilité, vision, langage), pour lesquelles la solution sera essentiellement la chirurgie de la tumeur causale (méningiome crânien ou rachidien, épendymome intra-médullaire, schwannome rachidien).

Dans la Schwannomatose non liée au gène NF2, la prise en charge des douleurs, présentes chez 68% des patients, est prioritaire. Ces douleurs se présentent par accès, parfois sur un fond douloureux permanent, et peuvent être liées ou non à un schwannome sous-jacent (9). Le traitement est initialement médical, avec néanmoins de nombreux cas de douleurs rebelles : 27% des patients rapportent l’utilisation plus de 6 antidouleurs (9). La chirurgie reste réservée aux cas de tumeur en croissance rapide ou explicitement à l’origine des symptômes. La chirurgie des schwannomes périphériques dans le cadre des schwannomatoses s’accompagne d’un taux de soulagement de la douleur légèrement plus faible que dans les formes sporadiques (85%). La chirurgie s’accompagne par ailleurs d’un nombre de déficits post-opératoires plus élevé chez les patients porteurs de schwannomatoses, de l’ordre de 33%. Ces déficits prédominent chez les patients atteints de formes pluri-segmentaires avec l’exérèse de multiples tumeurs lors d’une même procédure, ou l’exérèse de tumeurs en chapelet sur un même nerf (18). Les effets de la radiothérapie et de la chimiothérapie dans le traitement des schwannomatoses non liées au gène NF2, sont, jusqu’à présent, très limités.

L’histoire naturelle de la maladie est marquée par la découverte de nouveaux méningiomes et schwannomes au cours du suivi (18), sans que l’on puisse dire si cette constatation est liée au caractère incomplet du bilan initial, qui comporte rarement une IRM corps entier à l’heure actuelle, ou à une évolutivité de la charge tumorale au cours du temps. Des cas de transformation maligne de schwannomes périphériques ont été rapportés dans les schwannomatoses (18), essentiellement dans les formes liées à SMARCB1, très rarement dans la schwannomatose NF2, mais leur réalité reste incertaine dans la mesure où la totalité des cas de transformation maligne rapportés dans les séries de référence ont été révisés après expertise neuropathologique (9).

Michel Kalamarides
Centre de référence neurofibromatoses de type 2 et schwannomatoses
AP-HP – Hôpital Pitié-Salpêtrière – 75013 – Paris

Matthieu Peyre
Sorbonne Université – Service de neurochirurgie
AP-HP – Hôpital Pitié-Salpêtrière – 75013 Paris

  1. MacCollin M, Woodfin W, Kronn D, Short MP. Schwannomatosis: a clinical and pathologic study. Neurology. 1996 Apr;46(4):1072–9.
  2. Evans DG, Bowers NL, Tobi S, Hartley C, Wallace AJ, King AT, et al. Schwannomatosis: a genetic and epidemiological study. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2018 Jun 16;
  3. Halliday D, Emmanouil B, Pretorius P, MacKeith S, Painter S, Tomkins H, et al. Genetic Severity Score predicts clinical phenotype in NF2. J Med Genet. 2017 Oct;54(10):657–64.
  4. Hulsebos TJM, Plomp AS, Wolterman RA, Robanus-Maandag EC, Baas F, Wesseling P. Germline mutation of INI1/SMARCB1 in familial schwannomatosis. Am J Hum Genet. 2007 Apr;80(4):805–10.
  5. Piotrowski A, Xie J, Liu YF, Poplawski AB, Gomes AR, Madanecki P, et al. Germline loss-of-function mutations in LZTR1 predispose to an inherited disorder of multiple schwannomas. Nat Genet. 2014 Feb;46(2):182–7.
  6. Hutter S, Piro RM, Reuss DE, Hovestadt V, Sahm F, Farschtschi S, et al. Whole exome sequencing reveals that the majority of schwannomatosis cases remain unexplained after excluding SMARCB1 and LZTR1 germline variants. Acta Neuropathol (Berl). 2014 Sep;128(3):449–52.
  7. Halliday D, Emmanouil B, Vassallo G, Lascelles K, Nicholson J, Chandratre S, et al. Trends in phenotype in the English paediatric neurofibromatosis type 2 cohort stratified by genetic severity. Clin Genet. 2019 Aug;96(2):151–62.
  8. Peyre M, Tran S, Parfait B, Bernat I, Bielle F, Kalamarides M. Surgical Management of Peripheral Nerve Pathology in Patients With Neurofibromatosis Type 2. Neurosurgery. 2023 Feb 1;92(2):317–28.
  9. Merker VL, Esparza S, Smith MJ, Stemmer-Rachamimov A, Plotkin SR. Clinical features of schwannomatosis: a retrospective analysis of 87 patients. The Oncologist. 2012;17(10):1317–22.
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  15. Plotkin SR, Stemmer-Rachamimov AO, Barker FG, Halpin C, Padera TP, Tyrrell A, et al. Hearing improvement after bevacizumab in patients with neurofibromatosis type 2. N Engl J Med. 2009 Jul 23;361(4):358–67.
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