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Les atteintes laryngées dans la schwannomatose-NF2

Les atteintes laryngées dans la schwannomatose-NF2 - Dr Lauranne ALCIATO (ORL)

Le travail du Dr Lauranne ALCIATO, ORL – AP-PH

Les ORL s’intéressent aux problèmes otologiques (l’oreille), rhinologiques (le nez et les sinus) et laryngologiques (le larynx).

Les malades présentant une schwannomatose-NF2 peuvent avoir des troubles laryngés telle qu’une altération de la voix, des fausses routes, des blocages alimentaires, des difficultés respiratoires… Ces symptômes peuvent être en rapport avec une atteinte des nerfs innervant le larynx, pour diverses raisons (présence de tumeurs au niveau des nerfs, compression du tronc cérébral, séquelles d’opérations, neuropathie…) mais aussi par atteinte du souffle (déficit des muscles respiratoires, réflexe de toux inefficace) ou des organes de résonnance (pharynx, cavité buccale, nez et sinus).

Le Dr ALCIATO est chirurgien ORL à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Elle s’intéresse notamment aux problématiques de déglutition et de dysphonie chez les patients NF2 ; elle travaille et se forme auprès d’équipes spécialisées dans le domaine de la laryngologie.

Le larynx et les signes d’alertes

Le larynx a trois fonctions essentielles :

  • La respiration ;
  • La phonation (voix) ;
  • La déglutition.
Image 1. Position des cordes vocales lors des différentes fonctions du larynx.

Image 1. Position des cordes vocales lors des différentes fonctions du larynx.
A la respiration, les cordes vocales s’ouvrent pour laisser passer l’air. En phonation, les cordes vocales s’accolent et vibrent pour produire la voix. A la déglutition, les cordes vocales se ferment pour protéger les voies aériennes.

Quand le larynx ne fonctionne pas correctement, les patients peuvent présenter des troubles de déglutition (dysphagie) à type de blocages dans la gorge ou de fausses routes (les aliments, liquides ou solides, ou la salive entrent dans les voies respiratoires). Il peut aussi exister des difficultés pour parler notamment en cas d’atteinte des cordes vocales, comme une paralysie.

Les fausses routes sont dangereuses dans 2 situations :

  • En aigu, par obstruction des voies respiratoires et risque d’asphyxie ;
  • De manière plus latente, par micro-inhalations responsables d’infections pulmonaires graves, les pneumopathies d’inhalation (apport de germes de la sphère digestive dans les poumons).

Outre les fausses routes et les pneumopathies d’inhalation, un signe d’alerte devant vous faire consulter rapidement est une perte de poids inhabituelle et prolongée, en lien avec des difficultés à s’alimenter. En effet, certains patients NF2 présentent un amaigrissement important voire une dénutrition, qui aggrave les troubles de déglutition, rendant alors encore plus complexe la prise alimentaire et augmentant le risque de fausses routes et d’infections pulmonaires… altérant d’autant plus l’état général. On entre alors dans un cercle vicieux.

L’étude en cours dans le service

Le Dr ALCIATO recueille des données cliniques auprès des patients de la consultation schwannomatose-NF2 : interrogatoire détaillé, examen neurologique des paires crâniennes, examen endo-buccal et oropharyngé, examen laryngé par nasofibroscopie (image 2).

Image 2. L’examen nasofibroscopie : l’ORL introduit une petite caméra à travers une narine afin de visualiser le larynx.

Image 2. L’examen nasofibroscopie : l’ORL introduit une petite caméra à travers une narine afin de visualiser le larynx.

Avant la consultation ORL, les patients sont invités à répondre à trois questionnaires évaluant leur gêne au quotidien sur la phonation et la déglutition : VHI, DHI et EAT-10.
L’objectif est d’évaluer la prévalence des troubles de la voix et de la déglutition dans la population schwannomatose-NF2. La consultation a pour but de corréler les symptômes aux questionnaires et d’en évaluer la gravité afin de proposer une prise en charge adaptée et initier un suivi ciblé, afin d’améliorer la qualité de vie des patients.

LA PRISE EN CHARGE ET LES TRAITEMENTS

A l’issue de l’examen clinique, plusieurs solutions peuvent vous être proposées. 

La rééducation

En cas de troubles de déglutition ou de dysphonie, une rééducation orthophonique est proposée en première intention. L’objectif est de réaliser un travail de renforcement des muscles laryngés et d’apprendre à compenser la faiblesse du larynx. Cela passe aussi par l’apprentissage de postures de sécurité pour limiter les fausses routes et réagir de façon adéquate quand cela arrive. La texture des aliments est aussi étudiée afin d’éviter les aliments à risque de fausses routes (par ex. : eau gazeuse plutôt qu’eau plate ; épaississement des liquides ; éviction des petites morceaux, riz, semoule, miettes de pain…).>En cas de paralysie faciale ou linguale associée, une rééducation faciale (orthophonie ou kinésithérapie) peut être proposée pour renforcer les muscles participants à la déglutition.De même, en cas de faiblesse de la voix et du réflexe de toux en rapport avec un manque de souffle, de la kinésithérapie respiratoire peut être proposée.

Suivi diététique

Le suivi par un ou une diététicien.ne peut être nécessaire pour des conseils alimentaires et assurer le contrôle du poids. Un enrichissement de l’alimentation ou la mise en place de compléments nutritionnels oraux (CNO) peuvent être indiqués. L’objectif est de limiter la dénutrition qui est un facteur aggravant les troubles de déglutition.

La médialisation de corde vocale

En cas de paralysie d’une corde vocale dite « en ouverture », avec dysphonie persistante ou troubles de déglutition et retentissement important (perte de poids, fausses routes régulières, pneumopathie d’inhalation) malgré une rééducation orthophonique, il est possible de réaliser une médialisation de la corde vocale par laryngoscopie en suspension (image 5). C’est un acte qui se réalise sous anesthésie générale, en ambulatoire, en passant par les voies naturelles. Il s’agit d’injecter dans la corde vocale paralysée un produit à base d’hydroxyapatite (le Renuvoice) pour combler l’espace et augmenter le volume de la corde vocale afin d’améliorer sa fermeture (image 6).

Image 5. Laryngoscopie en suspension, permettant l’accès aux cordes vocales pour une injection intra-cordale (médialisation), sous anesthésie générale.

Image 5. Laryngoscopie en suspension, permettant l’accès aux cordes vocales pour une injection intra-cordale (médialisation), sous anesthésie générale.
Image issue des Annales françaises d’Oto-rhino-laryngologie et de Pathologie Cervico-faciale 2024 (A. Alharbi, G. Chambrin, O. Laccourreye – Optimiser l’exposition laryngée antérieure lors de la laryngoscopie directe en suspension chez l’adulte).

Image 6. Médialisation d’une corde vocale paralysée (paralysie unilatérale).
Image 6. Médialisation d’une corde vocale paralysée (paralysie unilatérale). A gauche : Paralysie de la corde vocale droite « en ouverture » (la corde vocale gauche reste mobile). A droite : Injection intra-cordale droite afin de médialiser la corde vocale paralysée. Ce geste permet la fermeture du plan glottique à la phonation (amélioration de la voix) et à la déglutition (limitation des fausses routes).

En cas d’échec : gastrostomie et trachéotomie ?

Une gastrostomie et une trachéotomie peuvent être proposées en cas de troubles de déglutition avec retentissement sévère. Par exemple, en cas de paralysie des deux cordes vocales « en ouverture » le risque de fausses routes est majeur et la prise en charge est plus complexe car on ne peut pas injecter les deux cordes vocales au risque de bloquer la filière respiratoire.

Si le patient ne peut plus s’alimenter correctement par voie orale et présente un amaigrissement important voire une dénutrition, on peut proposer une sonde nasogastrique (image 7) de manière temporaire ou une gastrostomie (image 8) pour un temps plus prolongé.

Image 7. Sonde nasogastrique : la sonde passe par le nez pour aller dans l’estomac.
Image 7. Sonde nasogastrique : la sonde passe par le nez pour aller dans l’estomac.
Image 8. Gastrostomie : la sonde est placée directement dans l’estomac à travers la peau par le ventre.
Image 8. Gastrostomie : la sonde est placée directement dans l’estomac à travers la peau par le ventre.

En cas de nécessité de protection des voies aériennes (fausses routes permanentes, pneumopathies d’inhalation à répétition avec antibiothérapies ou hospitalisations itératives), une trachéotomie peut être nécessaire. La mise en place d’une trachéotomie passe par une intervention chirurgicale consistant à effectuer une petite ouverture (trachéostome) au niveau de la trachée et à placer une canule, un petit tube courbé (image 9). Elle peut être permanente ou transitoire. Lorsqu’il n’y a plus d’indication, la canule peut être retirée.

Image 9. Trachéotomie : mise en place d’une canule dans la trachée, entre la pomme d’Adam (cartilage thyroïdien) et la base du cou.
Image 9. Trachéotomie : mise en place d’une canule dans la trachée, entre la pomme d’Adam (cartilage thyroïdien) et la base du cou.

La trachéotomie a 2 objectifs :

  • Permettre l’entrée de l’air dans les poumons sans passage par le nez ou par la bouche, offrant ainsi une bonne respiration ;
  • Protéger des « fausses routes » par la mise en place d’un ballonnet protégeant les voies aériennes des passages d’une partie des aliments ou de la salive directement vers les poumons (image 10).

Image 10. Canule à ballonnet pour protection des voies aériennes.

Image 10. Canule à ballonnet pour protection des voies aériennes.

La présence d’une gastrostomie ou d’une trachéotomie n’empêche en aucun cas l’alimentation par la bouche. En parallèle des apports par la gastrostomie, une alimentation « plaisir » peut être continuée et est même conseillée. Elle sera néanmoins à arrêter temporairement en cas d’infection grave des poumons, le temps que le patient reprenne des forces.

Accompagnement psychologique

Comme pour les autres aspects de la NF2, les patients peuvent bénéficier d’un accompagnement psychologique pour les problèmes de voix ou de déglutition, pour discussion sur les différents traitements, notamment lorsqu’une gastrostomie ou trachéotomie sont envisagées.

Conclusion

Les atteintes laryngées dans la schwannomatose-NF2 sont peu documentées et sont pourtant parfois très invalidantes, avec un impact significatif sur la qualité de vie des patients.
Le Dr ALCIATO propose un dépistage de ces troubles lors de la consultation NF2 pour un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée. Une discussion avec le patient et une information éclairée dès les premiers symptômes est indispensable pour une bonne compréhension des atteintes et de leurs enjeux. Le choix de l’une ou de l’autre des thérapeutiques sera toujours discuté avec le patient et décidé avec son accord.